DELCAMP Georges, Henri. [« El Gall » dans la clandestinité] Né à Perpignan (Pyrénées-Orientales), le 14 juillet 1908, mort à Paris vers 1975 ( ?), peintre en bâtiment, officier de l’Armée à partir de 1944, militant socialiste (SFIO, puis PSOP) des Pyrénées-Orientales, militant communiste à partir de 1942, dans les Pyrénées-Orientales, puis dans la Haute-Garonne et la région parisienne. Résistant, cadre des FTP. Fils d’un peintre de 38 ans, Paul, Adrien Delcamp, un Catalan né à Bône (Algérie) et de Rose, Thérèse, Marie Mir âgée de 30 ans, Georges Delcamp grandit dans le quartier Saint-Jacques de Perpignan où ses parents étaient domiciliés. Il se maria à Perpignan le 1er février 1930 avec Félicie Thérèse Augustine Pastoret, comptable, née à Peyrestortes (Pyrénées-Orientales) le 1er octobre 1907. Le couple eut cinq enfants, trois garçons et deux filles, la dernière, Danielle, née en 1944. Après 1945, alors que ses fonctions dans l’armée et au CC du PCF l’amenèrent à résider à Paris, sa famille resta longtemps domiciliée à Perpignan. Il effectua son service militaire au 154e RAP à Grenoble du 10 novembre 1928 au 15 avril 1930. Il fut promu au grade de maréchal des logis le 10 février 1929. Georges Delcamp fut reçu au concours d'inspecteur des PTT. Nommé à Strasbourg (Bas-Rhin), il eut bientôt la nostalgie du Roussillon et revint s'installer à Perpignan où il travailla à la petite entreprise de peinture en bâtiment que son père tenait dans cette ville. Dès 1934 ou 1935, il militait à la section socialiste SFIO de Perpignan (Voir Cortale Fernand). En 1936, il était un des militants de la « Gauche révolutionnaire ». Cette tendance, minoritaire à Perpignan, devait constamment affronter les amis de Jean Payra, le leader incontesté de la SFIO catalane de 1918 à 1935. Il adhéra ainsi que deux autres pivertistes, Fernand Cortale et Isidore Forgas, de la section socialiste de Perpignan, après le congrès national du Parti socialiste SFIO de Royan (juin 1938), au Parti fondé par Marceau Pivert et ses camarades de tendance, le PSOP (Voir Baylard Ferdinand). De 1936 à 1939, Georges Delcamp eut d'importantes activités au sein du « comité du Continental-Bar » fondé par les pivertistes perpignanais afin d'aider les révolutionnaires espagnols, notamment ceux du POUM. Georges Delcamp était présent lorsque Maurice Jaquier prit contact avec le comité des pivertistes perpignanais, sans doute pendant le mois d'août 1936. Il mit sa voiture, une Peugeot 201, à contribution lors des passages d'armes à destination de l'Espagne organisés par le « comité du Continental-Bar ». Au volant de sa voiture, Georges Delcamp servait souvent d'éclaireur aux camions qui franchissaient clandestinement la frontière. Ainsi, en compagnie de Maurice Jaquier, Georges Delcamp participa à une action particulièrement spectaculaire qui irrita le préfet des Pyrénées-Orientales : des camions chargés d'armes purent franchir la frontière franco-espagnole entre Cerbère (Pyrénées-Orientales) et Port-Bou (Espagne) après que les douaniers français eurent été enfermés dans les locaux du poste frontière de Cerbère. Par ailleurs, lorsque deux camions chargés de dix tonnes d'obus de 105 et convoyés par Maurice Jaquier et d'autres pivertistes perpignanais réussirent à gagner la petite ville espagnole de Puigcerdà en empruntant les routes de la Cerdagne française, Georges Delcamp, au volant de sa 201, suivait et assurait la protection de la précieuse cargaison (Voir Forgas Isidore, Pujol). En février 1939, lorsque, au moment de l'offensive des troupes franquistes en Catalogne, les réfugiés espagnols affluaient en grand nombre en Roussillon, Georges Delcamp participa très activement, avec les autres membres du « Comité du Continental-Bar », à diverses actions de soutien et d'aide matérielle. Il s'occupa notamment des dirigeants du POUM qui réussirent à échapper à la tourmente (Voir Abbadie Henri). Il fut mobilisé au début de la Deuxième Guerre mondiale. Le 26 août 1939, il intégra le 116e RAL à Moulins (Allier). Père de famille nombreuse, il fut déclaré « réformé définitif » dès le 25 octobre 1939. De retour à Perpignan, il maintint les contacts avec les membres locaux d’un PSOP qui ne survécut pas à la tourmente. Après 1941, Georges Delcamp, de plus en plus influencé par le Parti communiste clandestin, essaya de le contacter. Lorsqu'il y parvint, après la manifestation du 14 juillet 1942, il put discuter, ainsi que d’autres pivertistes perpignanais dont Fernand Cortale* et Émile Masnou, avec Julien Dapère*, dirigeant clandestin du PC dans les Pyrénées-Orientales. L’arrestation de l’un des leurs, Henri Abbadie*, interné à Gurs (Basses-Pyrénées) les impressionna. Ils demandèrent alors de pouvoir militer dans les rangs du PC. Pour les éprouver, et afin qu’ils se fissent pardonner leur sulfureux passé pivertiste de « complicités » avec le « trotskisme », on leur demanda de prendre des risques en prenant en charge les FTPF au plan départemental et en jetant les bases d’une action directe armée. Sa demande d'adhésion acceptée, Georges Delcamp qui prit pour pseudonyme de clandestinité « el gall » (« le coq », en catalan) devint un des responsables départementaux des FTPF dont il assura la direction avec Fernand Cortale, Émile Masnou et le Bitterois Manuel Serra. En décembre 1943, il était, en sa qualité de commissaire régional aux opérations, l'adjoint de Fernand Cortale, commissaire technique régional qui dirigeait la commission militaire régionale des FTPF. Le groupe déploya une grande activité en 1943, organisant des groupes locaux de FTP et jetant les bases des premiers maquis départementaux implantés dans les zones de montagnes du département et de la lutte armée en milieu urbain ou rural (attentats contre les collaborationnistes ou les troupes d’occupation : sabotages de voies ferrées ou de câbles de transport aérien de minerai de fer). Par la suite, pour des raisons de sécurité, Georges Delcamp quitta (mars 1944) les Pyrénées-Orientales et participa à la Résistance dans la Haute-Garonne. Il eut d’importantes fonctions dans le cadre de sa nouvelle région d’affectation. Il était membre du « triangle » de direction des FTPF de la région de Toulouse et était qualifié de « colonel ». Serge Ravanel a écrit que les importantes responsabilités de Delcamp au sein des FTPF recouvraient, depuis Toulouse, une zone à peu près équivalente aux R3 (Montpellier) et R4 (Toulouse). À ce titre, Delcamp se rendit en Aveyron au début de février 1944, en compagnie de François Vittori, un résistant corse, ancien des BI, afin de créer un maquis dans ce département de la R3 (Montpellier). Georges Delcamp prit contact, à cet effet, avec un instituteur communiste des Pyrénées-Orientales déplacé d’office par Vichy, François Marty*. Après avoir effectué des repérages sur le causse d’Ambeyrac, à l’Ouest du département, Delcamp et ses amis jetèrent les bases du maquis d’Ols, le futur 1er bataillon FTP de l’Aveyron (bataillon Marc) qui intégra, après la Libération, le 153e RI engagé dans les Vosges et en Allemagne pendant l’hiver 1944-1945. Il devint également, depuis le chef-lieu de la Haute-Garonne, adjoint de la IIIe subdivision des FTPF, regroupant les « Interrégions » de Toulouse et de Montpellier. Il eut, à ce titre, à intervenir à Perpignan, le 19 mars 1944, puis, à partir du 9 juin, auprès de maquis, à Mireviel (Ariège) et à Vira (Pyrénées-Orientales). En juin 1944, membre de l’état major des FFI de la Haute-Garonne (il y représentait les FTPF), il côtoya Jean-Pierre Vernant*, leur chef départemental Ravanel et Jean Cassou*. Adjoint de Serge Ravanel —qui l’appréciait beaucoup, traça de lui un portait très favorable et souligna son rôle éminent dans la Libération de Toulouse (op. cit. dans les sources, p. 13 plus particulièrement)—, il participa au déclenchement de l’ « insurrection nationale » et à sa mise en oeuvre concrète. Dans l’état major départemental, se manifestèrent des divergences stratégiques. Delcamp défendit, face à l’ORA, l’idée qu’il fallait associer la population aux opérations militaires ; la position moyenne de Vernant et de Cassou prévalut finalement. Lors des combats de la Libération, il « a pris personnellement, le 19 août 1944, le commandement des groupes francs qui ont attaqué les Allemands retranchés dans la gare Matabiau à Toulouse, les forçant à une reddition totale » (extrait de la citation qui motiva son accession, le 7 juillet 1945, au grade de chevalier de la Légion d’honneur, décret signé par le général de Gaulle). Pour son activité résistante, il obtint aussi la médaille de la Résistance et la Croix de guerre 1939-1945 avec palme. Après la Libération, il fut intégré (14 février 1945) à l’armée, en tant que volontaire pour la durée de la guerre, avec le grade de chef de bataillon, en réalité avec celui de lieutenantcolonel. Combattant des FFI, engagé volontaire puis militaire de carrière, il fut amené à exercer plusieurs commandements, devenant progressivement « suspect » du fait de son affiliation politique qu’il conserva de façon clandestine, pendant la guerre froide en particulier. Le 10 octobre 1944, il fut d’abord commandant des unités qui « surveillaient » la frontière pyrénéenne que voulaient franchir les Guerrilleros espagnols de l’AGE (objectif qu’ils atteignirent malgré tout lorsqu’ils pénétrèrent en territoire espagnol par le Val d’Aran avant d’être repoussés par l’armée de Franco). Puis le 15 janvier 1945, il devint l’adjoint du chef d’état major du commandement des troupes de la frontière pyrénéenne, « rétrogradation » qui s’explique par la substitution progressive de cadres issus des FFI par des militaires professionnels. Delcamp revint ponctuellement à Perpignan, comme par exemple le 17 décembre 1944, où, à l’occasion de l’inauguration de la place « Gabriel-Péri », il put rencontrer le chef de la subdivision de Perpignan, le lieutenant-colonel Dominique Cayrol*. Après la guerre, il fut admis dans l’armée d’active avec le grade de capitaine de l’infanterie coloniale, conservant toutefois celui de lieutenant-colonel à titre provisoire. (décret du 10 septembre 1945). Le 17 septembre 1945, il fut affecté à l’état major de la 17e division, puis, le 4 janvier 1946, à celui de la 5e région militaire (Toulouse). Il demeura dans cette situation administrative jusqu’au moment où il quitta l’armée. Promu chef de bataillon, (25 juin 1946), il conserva cependant, toujours à titre provisoire, le grade de lieutenant-colonel. En 1947, il était affecté à l’état major de la 4e division à Toulouse. Il assura un commandement en Afrique mais la rupture du « tripartisme » en 1947 contraria l’évolution normale de sa carrière. Désigné pour servir en AOF, il embarqua à Marseille le 19 mai 1948. Il servit d’abord au « bataillon autonome du Dahomey », puis à Dakar et à Niamey dans une « direction» puis une sous-direction ce qui entraîna pour lui la suppression de tout poste de commandement. Georges Delcamp fut un des rares communistes qui demeurèrent, en tant qu'officiers supérieurs, dans les rangs de l'armée. Embarqué à Cotonou le 19 février 1951, puis installé à Paris, il participa pendant quelque temps aux travaux de la commission du Comité central du PCF pour la Défense nationale. Toujours tenu à l’écart des postes de commandement, il réussit cependant à se faire admettre à une date indéterminée, à l’école des administrateurs comptables (école d’application du matériel de Fontainebleau). Le 15 janvier 1952, affecté, avec d’autres « officiers révolutionnaires », au Dépôt central des isolés de Versailles (Seine-et-Oise), il suivit les cours que Rol-Tanguy délivrait à leur intention. Il y côtoya à plusieurs reprises Jean Brugié*. Toujours « placardisé », il fut affecté à la subdivision militaire autonome de la Seine, à Paris. Mis en « congé spécial » le 1er novembre 1961, il se retira à Nanterre (Seine) et fut admis à faire valoir ses droits à la retraite le 14 juillet 1962. Georges Delcamp mourut à Paris ou dans la région parisienne vers 1975. La date de sa mort ne figure pas en marge de son acte de naissance. SOURCES : Arch. SHD, Vincennes, dossier 01211 (Georges Delcamp). ?AC Perpignan, registres de l’état civil. ?Jean Estèbe, Toulouse, 1940-1944, Paris, Perrin, 2001, 358 p. [p. 273]. ?Christian Font & Henri Moizet, L’Aveyron et les Aveyronnais pendant la 2e Guerre mondiale, Rodez-Toulouse, CDDP Aveyron, CRDP Midi-Pyrénées, 1995, 226 p. [p. 189, p. 200 note 453]. ?Christian Font & Henri Moizet, Construire l’histoire de la résistance en Aveyron 1944, Rodez-Toulouse, CDDP Rodez, CDIHP Aveyron, CRDP Midi-Pyrénées, 1998, 343 p. [pp. 58-62, « La naissance du maquis d’Ols »]. ?Christian Font & Henri Moizet, Maquis et combats en Aveyron, chronologie 1936-1944, Rodez-Toulouse, ONAC Aveyron, ANACR Aveyron, CRDP Midi-Pyrénées, 2001, 411p. [pp. 198-199]. ?Maurice Jaquier, Simple militant, Paris, Denoël, Lettres Nouvelles, 1974. —Raymond Gual, Jean Larrieu, Vichy, l’occupation nazie et la résistance catalane, II b, Iconographie : documents, photos, presse… De la résistance à la Libération, Prades, Terra Nostra, 1998, 687 p. [pp. 479, 482, 499, 539]. —Jean Larrieu, Vichy, l’occupation nazie et la résistance catalane, I, Chronologie des années noires, Prades, Terra Nostra, 1994, 400 p. [p. 165]. —Serge Ravanel, L’esprit de la résistance, Paris, Le Seuil, 1995, 444 p. [pp. 13, 261, 263, 297, 299, 306, 330, 337]. —Georges Sentis, Les archives des FTP catalans (hiver 1943-printemps 1944), Lille, Éditions Marxisme Régions, 1984, 72 p. [p. 4, p. 7]. —Georges Sentis, Les communistes et la Résistance dans les Pyrénées-Orientales, II, Le difficile combat vers la libération nationale. Novembre 1942 – août 1944, Lille, Marxisme Régions, 1985, 175 p. [pp. 65. Sq. ; p. 85]. —Georges Sentis, Les communistes et la Résistance dans les Pyrénées-Orientales. Biographies, Lille, Marxisme régions, 1994, 183 p. [pp. 83-84]. —Isabelle Sommier et Jean Brugié, Officier et communiste dans les guerres coloniales, Paris, Flammarion, 2005, 435 p. [p. 188]. ?Interviews de MM. Ferdinand Baylard (octobre 1978) et Fernand Cortale (octobre 1974), anciens militants pivertistes des Pyrénées-Orientales. ?Renseignements communiqués par Mme Françoise Cambon, professeur au lycée Jean-Lurçat de Perpignan dont la famille fut amie de celle de G. Delcamp (Perpignan, septembre 2007). —Courrier électronique d’Isabelle Sommier, 21 mars 2001. André
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